Comment gérer vos émotions ? L’exemple avec Djokovic

 

émotions et djokovic

Comment gérer vos émotions ? L’exemple avec Djokovic

  • Vous avez des difficultés à identifier et à gérer vos émotions ;
  • Vous pensez qu’il est préférable de ne pas exprimer vos émotions négatives et choisissez dès lors de les garder en vous ;
  • Vous pensez qu’il est judicieux de mettre vos émotions de côté pour réussir et pour se faire accepter des autres ;
  • Et si vous appreniez des techniques qui vous permettent de mieux identifier et gérer vos émotions ? Et si vous vous autorisiez à laisser sortir vos émotions, même les émotions négatives, comme l’a fait par exemple Djokovic lors de sa conférence de presse après sa défaite en quart de finale de Roland-Garros 2018 ?

Qu’est-ce qu’une émotion ?

Christophe André, psychiatre, a beaucoup travaillé sur cette notion d’émotions. Dans son livre Le pouvoir des émotions écrit en collaboration avec le psychiatre François Lelord, Christophe André se réfère au Dictionnaire de Furetière (1690), un des premiers dictionnaires de la langue française pour définir cette notion d’émotion.

qu'est-ce qu'une émotion

Emotion : mouvement extraordinaire qui agite le corps ou l’esprit et qui en trouble le tempérament ou l’assiette. La fièvre commence et finit par une petite émotion du pouls. Quand on fait quelque exercice violent, on se sent de l’émotion dans le corps. Un amant sent de l’émotion à la vue de sa maîtresse, un lâche à la vue de de son ennemi.

Le psychiatre a retenu cette définition car elle comporte les caractéristiques essentielles qu’à retenu la science  moderne pour définir la notion d’émotion. Les caractéristiques des émotions sont donc les suivantes :

  1. Une émotion est un mouvement, à savoir un changement par rapport à un état immobile initial. Par exemple, nous n’avions pas peur, et soudainement nous avons peur.
  2. Une émotion a une composante physiologique. Par exemple, notre cœur ou notre pouls s’accélère ou ralenti.
  3. L’émotion agit aussi sur l’esprit car elle peut nous faire penser différemment.
  4. L’émotion est une façon de réagir à un événement, une façon de se comporter face à une situation.

Nos émotions : amies ou ennemies ?

Qui n’a jamais rêvé un jour de trouver un médicament ou un remède qui nous permette de supprimer complètement nos émotions négatives. Plus de stress avant un examen. Plus de colères qui vous poussent à dire des choses que vous regretterez quelques minutes plus tard. Plus de culpabilité ou de honte qui vous empêchent d’être heureux et épanoui.

Cela semble tentant en théorie, mais bien moins concluant dans la réalité Le fait de ne plus ressentir d’émotions vous empêchent en effet de nouer des relations épanouissantes avec les gens et vous poussent à adopter des comportements à risque.

En conséquence, l’absence de peur vous empêche de fuir le danger, l’absence de colère ne vous permet pas de triompher de vos rivaux et l’absence de désir vous empêche de trouver un partenaire amoureux. Les émotions sont donc indispensables à notre survie, à notre bien-être et à notre reproduction.

nos émotions amie ou ennemies

Le fait que nos émotions nous soient d’une très grande utilité a été démontré pour la première fois par Damasio, neurologue de renommée mondiale, dans l’Erreur de Descartes.

L’histoire d’Eliott

Damasio relate le cas d’Eliott, un patient opéré d’une tumeur cérébrale située dans le cortex orbitofrontal. Cette opération, bien que réussie, avait transformé la vie d’Eliott.

Avant son opération au cerveau, Eliott était un homme d’affaire respecté, un bon mari et un bon  père de famille. Après cette opération, la vie d’Eliott prit un tournant désastreux. Il vit tout d’abord ses performances au travail décliner si gravement qu’il perdit rapidement son travail. Il prit par la suite des décisions financières risquées qui le ruinèrent.

La situation d’Eliott sur le plan personnel n’était pas meilleure. Il n’avait plus d’intérêts, plus d’envie et plus de motivation. Sa femme ne put supporter son changement de comportement brutal et décida de demander le divorce. Quelque temps plus tard, il se remaria mais divorça aussitôt.

L’opération du cerveau d’Eliott était pourtant un succès et il ne souffrait d’aucune pathologie majeure permettant d’expliquer son changement de comportement radical. De plus, Il avait réussi brillamment tous les tests d’intelligence, de personnalité et de comportement que Damasio lui avait fait passer.

Mais le neurologue avait été interpellé par le fait qu’Eliott semblait détaché de tout ce qui lui arrivait. La perte de son emploi et son divorce ne l’affectait nullement. C’est comme s’il ne ressentait aucune émotion.

Damasio décida alors de présenter à Eliott une série de photos de catastrophes naturelles et d’accidents qui suscitaient chez la plupart des gens de fortes réactions émotives. Eliott regarda ces photos sans ressentir aucune émotion.

Il était conscient qu’il aurait dû ressentir des émotions en voyant de telles photos, pourtant il était simplement incapable d’en ressentir. Il réussissait dès lors à comprendre intellectuellement ce qu’était la colère, la peur ou d’autres émotions, mais il était incapable de les ressentir.

émotions et exemple d'Eliott

Impossibilité de vivre une vie épanouie sans émotions

Le neurologue réussira à démontrer que l’opération qu’a subi Eliott avait provoqué une microlésion de son cortex frontal et que cette lésion l’empêchait de ressentir des émotions. Comme Eliott, les personnes qui ont subi des lésions isolées de leur système nerveux n’ont plus la capacité de ressentir des émotions, tout en conservant le reste de leurs facultés.

Ces personnes n’arrivent plus à savoir ce qu’elles préfèrent, ne sont plus capables de prendre des décisions rationnelles et ne sont plus motivées par aucun projet. Elles ont également beaucoup de difficultés à reconnaître les émotions des autres.

Damasio a avancé l’hypothèse que c’est l’absence de perception émotive qui amenait Eliott à opérer des mauvais choix dans la vie de tous les jours. A contrario, cela signifie que les émotions sont utiles pour prendre les bonnes décisions.

Les erreurs que nous commettons au quotidien peuvent ainsi s’expliquer par le fait que nous ne sommes pas assez conscients de nos émotions, que nous ne faisons souvent pas le lien entre les sensations physiologiques et les émotions (comme par exemple des battements cardiaques accélérées, de la sueur, etc..) ou par le fait que nous n’avons pas su comprendre les émotions des autres. Ainsi toutes les émotions, même désagréables, nous sont utiles et nécessaires.

Par le passé, il était d’usage de penser qu’il fallait se fier à la raison et non à ses émotions pour prendre les bonnes décisions et réussir dans la vie.  Le cas d’Eliott démontre que lorsque nous ne sommes pas capables de ressentir des émotions ou quand nous nous déconnectons de nos émotions, nous faisons les mauvais choix.

Accepter de ressentir ses émotions : la clé du bien-être

Il n’est pas toujours facile d’accepter de ressentir les émotions qui nous traversent. En effet, beaucoup de personnes apprennent très tôt à dissimuler, voire à refouler leurs émotions.

Les parents, les proches, les professeurs ou la société en général peuvent faire comprendre aux enfants qu’un garçon ça ne pleure pas, que l’on n’a pas le droit de se réjouir de ses succès sous peine de passer pour une personne prétentieuse, qu’il faut cacher la peur ou l’angoisse que l’on peut ressentir dans une situation afin de ne pas passer pour une personne fragile.

Toutes ces injonctions qui nous ont apprises pendant l’enfance et l’adolescence sont difficiles à déconstruire et amènent beaucoup de personnes à se fermer au flot d’émotions qui les traversent.

émotions et bien-être

Refouler ses émotions est mauvais pour le corps et l’esprit

Pourtant, le fait de refouler nos émotions et de fuir l’évocation mentale de sujets douloureux ou générateurs d’angoisse peut favoriser le ressassement perpétuel et favoriser un cercle vicieux qui peut aboutir à un trouble anxieux.

En effet, lorsque vous n’exprimez pas vos émotions ou pire que vous vous interdisez le droit de les ressentir, vous n’allez faire que les renforcer et les amplifier. Si vous essayez de refouler activement une pensée, de la combattre, de lui barrer la route, vous ne faites que lui donner plus de vigueur ce qui la rendra encore plus présente.

Cessez de refouler vos émotions, exprimez-les

Dès lors, à la place de refouler ou de fuir certaines pensées, il serait plus judicieux, pour lutter contre le stress, l’angoisse ou la dépression, d’accepter et d’exprimer les pensées indésirables. Lorsque vous vous autorisez à vivre des émotions pénibles, vous les faites devenir petit à petit plus supportables ce qui les fait s’effacer progressivement.

La réelle acceptation des émotions consiste à admettre qu’elles nous perturbent  et que l’on ne se sentira pas forcément mieux même si on accepte le fait que ces pensées nous dérangent, nous mettent mal à l’aise.

Le fait d’accepter ses émotions permet de les contempler d’un œil bienveillant, de les considérer comme faisant intégralement partie de nous et dès lors dignes d’intérêt.

Mais accepter ses émotions ne veut pas dire qu’il faut s’y résigner comme l’explique très bien le psychologue Nathaniel Branden :

« Etre disposé  à vivre et accepter les émotions n’implique pas que celles-ci doivent avoir le dernier mot. Si je ne suis pas d’humeur à aller travailler aujourd’hui, je peux me l’avouer, faire pleinement l’expérience de ce que je ressens, l’accepter … et aller travailler. Je n’en aurai que l’esprit plus clair en travaillant : je n’aurai pas commencé ma journée en me mentant à moi-même. Souvent, c’est quand on vit et qu’on accepte pleinement ses sentiments négatifs qu’on réussit à s’en libérer ; ils ont eu leur mot à dire mais n’occupent pas le devant de la scène pour autant » (Nathaniel Branden, Les 6 clés de la confiance en soi, Paris, J’ai lu, 2003).

On peut dès lors avoir peur et agir avec courage. On peut être jaloux et pourtant agir avec bienveillance.

Exercices pour mieux gérer ses émotions

  1. Le journal des émotions

Recensez toutes les émotions que vous vivez au cours d’une journée ou d’une semaine. Puis indiquez à côté de chaque émotion ressentie ce que vous faisiez à cet instant (comportements, actions, …). Cela va vous permettre de :

  • Prendre conscience de la très grande variété des émotions que nous vivons au cours d’une journée ;
  • Comprendre quels actions ou comportements engendrent telles émotions. Par exemple, vous ressentez de la tristesse chaque fois que l’on vous fait une remarque négative ;
  • Une fois que vous avez compris quels comportements ou quelles actions engendrent des émotions négatives ou des émotions qui vous coûtent beaucoup d’énergie, vous pouvez soit éviter de faire de telles actions ou trouver des solutions ou des stratégies qui vous permettront de ne plus éprouver de telles émotions négatives ou de mieux les gérer.

le journal des émotions

  1. Exercice d’imagerie mentale permettant de passer d’un état mental à un autre

  • Visualisez en imagerie mentale une situation dans laquelle vous vous êtes senti fort, performant ;
  • Prenez le temps de vous balader à l’intérieur de cette situation et de ressentir la force, la confiance que cela vous apporte ;
  • Imprégnez-vous de toutes les sensations ressenties à l’intérieur de cette situation comme les sons, les bruits, le visuel, les sensations corporelles, les odeurs, … ;
  • Refaites cet exercice une dizaine de fois, toujours avec la même situation, afin que cette situation et les émotions associées (force et performance) fassent pleinement partie de vous ;
  • Vous souhaitez maintenant accéder à cet état mental (force et performance) quand vous en ressentirez le besoin. Pour cela, focalisez-vous sur un marqueur de votre situation (force et performance) que vous avez entraîné en imagerie mentale, par exemple une image, un son, un ressenti, une odeur. Cela dépendra de quel est le sens le plus développé chez vous. Une telle focalisation activera votre cerveau  (connexions neuronales) et vous permettra d’accéder à cet état mental (force et performance) ;
  • Maintenant, juste avant une situation qui demande de la force et de la performance, vous serez à même de changer rapidement, voire immédiatement d’état mental et de passer à un état mental de force et de performance juste en pensant à une image, un son, un ressenti corporel ou une odeur ;
  • Vous pourrez faire ce même exercice d’imagerie mentale pour tous les états émotionnels que vous souhaitez créer, comme par exemple pour un état de calme/sérénité, ….

émotions et imagerie mentale

  1. Méditation

La méditation permet de faire face à ses émotions et de les laisser s’exprimer librement. Mathieu Ricard, moine bouddhiste, explique que lorsque l’on regarde sa colère en face elle fond comme neige au soleil car elle perd brusquement toute sa force. La même chose s’applique avec les autres émotions, comme l’envie, la tristesse, la peur, la haine, la culpabilité, la honte, …

  • Allongé ou assis confortablement, respirez quelques instants normalement ;
  • Concentrez-vous sur votre respiration ;
  • Laissez venir les émotions à vous, même s’il s’agit d’émotions négatives ou douloureuses ;
  • Focalisez-vous sur une émotion particulière. Commencez par une émotion qui n’est pas trop violente afin de ne pas être trop submergé par cette émotion. Choisissez par exemple plutôt de faire venir à vous une émotion de mélancolie qu’une émotion de désespoir. Acceptez-là sans la juger. Laissez-vous traverser par cette émotion;
  • Laissez venir à vous d’autres émotions. Acceptez également ces émotions sans les juger. Peut-être qu’elles finiront par s’en aller de la même manière qu’elles sont apparues.

Laisser sortir ses émotions négatives : l’exemple de Djokovic

Djokovic est redevenu numéro mondial fin 2018 et se trouve toujours au sommet du tennis mondial à l’heure actuelle. La situation était pourtant bien différente en mai 2018 juste avec le début du tournoi de Roland-Garros.

Le Serbe revenait de blessures, était classé 21ème joueur mondial et semblait peu concerné par le tennis. A cette époque, Novak enchaînait les défaites mais ne montrait aucun signe d’agacement ou de frustration après ses échecs. Son comportement inquiétait les observateurs car il ne reflétait aucunement la personnalité de champion de Djokovic.

laisser sortir ses émotions négatives

La colère de Djokovic: le déclic

En quart de finale de Roland-Garros, Djokovic va perdre contre l’italien Cecchinato, classé aux alentours de la 80ème place mondiale. Pendant ce match, il va montrer pour la première fois depuis longtemps des signes d’agacement, de frustration et de colère.

A la sortie de son match, Le Serbe refusera de se rendre dans la grande salle de conférence et les journalistes seront obligés de s’agglutiner dans une salle minuscule.

A l’analyse d’un journaliste qui affirmait que selon lui, même s’il avait perdu, Djokovic était de retour aux affaires, le Serbe répondra que le seul endroit où il était de retour c’était dans les vestiaires. Par la suite, Djokovic fera quelques réponses laconiques teintées de tristesse et de colère.

Après cette défaite et cette conférence de presse lunaire, Novak gagnera 3 grands chelems de suite, ne perdra quasiment plus de match et redeviendra rapidement numéro 1 mondial.

Pour beaucoup d’observateurs, ce match perdu a marqué un tournant dans la saison de Djokovic. Juste après cette défaite, il s’est remis en question et s’est enfin autorisé à sortir toute la frustration, la colère qu’il ressentait depuis plusieurs mois de ne plus gagner et de ne pas jouer son meilleur tennis.

Il est bénéfique de pouvoir laisser sortir ses émotions négatives

L’exemple de Djokovic nous démontre que s’autoriser à laisser sortir ses émotions négatives, comme la frustration, l’agacement ou la colère permet quelquefois de rebondir et de devenir plus fort et plus performant.

Souvent, nous pensons que nous n’avons pas le droit de nous plaindre, de nous rebeller, de nous indigner quand rien ne fonctionne comme nous le souhaitons. Pourtant, c’est souvent un bon moyen de remettre les choses à plat afin de repartir du bon pied.

En résumé

  • Il est important dans un premier temps de savoir identifier les émotions que vivons et quotidien et de comprendre quelles actions et quels comportements nous amènent à ressentir de telles émotions ;
  • L’imagerie mentale et la médiation sont des outils qui me permettent de mieux gérer vos émotions ;
  • Il est très important de s’autoriser à exprimer ses émotions, même si elles sont négatives. L’histoire de Djokovic évoquée plus haut est un excellent exemple pour démontrer que l’on a tout à gagner en exprimant ses émotions, même négatives.